Tandis que les États-Unis, l’Europe et la Chine s’affrontent pour dominer l’intelligence artificielle, une autre bataille, plus silencieuse, se joue : celle des emplois.

Sur le continent africain, la révolution des LLM et des générateurs visuels comme Sora 2 annonce une transformation sans précédent du marché du travail.
Dans le cadre de nos travaux à la CIT pour l’UDA, nous avons tenté de répondre à une question simple, mais urgente :

Quels métiers africains disparaîtront dans les dix prochaines années et lesquels survivront à l’ère des LLM ?

1. Avant tout, remettons les bases

Les LLM, ou Large Language Models, que vous connaissez sans doute sous les noms de ChatGPT, Claude, DeepSeek, Grok ou Mistral, sont des modèles de langage capables d’intégrer texte, image, son et vidéo.
Ils peuvent comprendre le contexte culturel local, produire des contenus quasi indiscernables de ceux des humains, et même communiquer dans des langues africaines telles que le lingala ou le wolof.

Ces modèles ne fonctionnent pas seuls. Ils interagissent avec d’autres outils d’intelligence artificielle pour générer du contenu multimodal : texte, dialogue, scénario, vidéo, image, ou même accompagnement personnalisé.
Ainsi, une simple idée peut devenir une vidéo complète, un script narratif, une chanson ou une campagne marketing en quelques secondes.

À côté de ces LLM généralistes, se développent des IA spécialisées :

  • Midjourney pour la création d’images ;

  • Veo 3 et Sora 2 pour la génération de vidéos réalistes avec synchronisation audio et effets cinématiques ;

  • Suno pour la composition musicale automatisée.

En combinant ces outils, on obtient un écosystème créatif autonome, capable de produire à lui seul ce qu’une équipe entière réalisait hier encore.
Et c’est là que le constat devient inquiétant : de nombreux métiers ne sont plus à l’abri.

2. Le sujet qui fâche : quels métiers sont en danger ?

Maintenant que les bases sont posées, abordons le sujet qui dérange : quels métiers vont disparaître ou se transformer profondément ?

Pour répondre à cette question, nous avons choisi une approche simple :

  • classer les métiers par grandes catégories,

  • identifier pour chacune les technologies qui les menacent directement,

  • et proposer des pistes d’adaptation, sans oublier le ou les pays africains les plus exposés à ces bouleversements.

L’objectif n’est pas de céder à la panique, mais de préparer le terrain. Car si l’automatisation est inévitable, son impact dépendra surtout de la vitesse d’adoption de l’IA dans chaque secteur — et de la capacité des travailleurs à requalifier leurs compétences à temps.

3. La Communication

C’est sans surprise le secteur le plus exposé à la vague de l’intelligence artificielle.
Rédacteurs web, journalistes, traducteurs, graphistes, monteurs vidéo ou community managers : tous partagent le même point faible, leur travail repose sur la production de contenu numérique, précisément ce que les nouveaux modèles maîtrisent désormais à la perfection.

Les métiers concernés

  • Rédacteur web / copywriter

  • Traducteur / correcteur / interprète

  • Graphiste / designer numérique

  • Monteur vidéo / créateur de reels

  • Community manager / social media manager

Les IA qui les remplacent déjà

  • ChatGPT-6, Claude, Mistral : rédaction automatisée, storytelling, marketing.

  • Sora 2 et Veo 3 : génération de vidéos prêtes à l’emploi.

  • Midjourney et Firefly : création graphique instantanée.

  • Suno : composition musicale et habillage sonore.

Une agence de communication pouvait autrefois mobiliser cinq personnes pour produire une campagne visuelle complète.
Demain, une seule personne équipée d’outils IA pourra concevoir textes, visuels, voix et vidéos en quelques heures.

Le conseil de la CIT-UDA

Les professionnels de ce secteur doivent changer de posture : passer de producteurs de contenu à directeurs de contenu.
Leur valeur ne résidera plus dans la création brute, mais dans :

  • la curation (sélection et combinaison de productions IA) ;

  • la créativité culturelle locale (ton, symboles, langues africaines) ;

  • et la supervision humaine (cohérence, éthique, identité).

L’IA générera, mais l’humain décidera ce qui mérite d’être publié.

Pays africains les plus exposés

Les économies les plus digitalisées verront ce choc en premier :

  • Nigeria, Kenya, Afrique du Sud, Maroc, Égypte, Ghana : pays où le marketing digital, les agences créatives et les freelances numériques se multiplient.
    Dans ces écosystèmes déjà connectés, la productivité des IA risque de diviser les coûts par dix, bouleversant la valeur du travail humain.

4. L’administratif

Longtemps considérés comme des postes “indispensables”, les métiers administratifs sont désormais parmi les plus fragiles face à l’intelligence artificielle.
Ce sont eux qui gèrent les courriels, les factures, les rapports ou les appels, des tâches structurées, répétitives et fondées sur des règles, donc idéales pour l’automatisation.

Les métiers concernés

  • Assistant(e) administratif(ve) / secrétaire de direction

  • Comptable / gestionnaire de paie / assistant financier

  • Chargé(e) de support client / hotline / call center

  • Agent de saisie / archiviste / réceptionniste

Les IA qui les menacent

  • ChatGPT-6 et Claude : rédaction de courriers, génération de rapports, planification automatique.

  • Google Gemini et Microsoft Copilot : intégration dans les suites bureautiques (Excel, Outlook, Word, Teams) pour exécuter automatiquement des tâches administratives.

  • LLM vocaux (Call Annie, GPT Voice, Pi) : réponse téléphonique, assistance vocale, filtrage client 24h/24.

L’effet combiné de ces outils transforme les bureaux : une entreprise équipée d’assistants IA peut traiter factures, e-mails, rendez-vous et relances sans intervention humaine directe.
Ce qui était autrefois un service de dix personnes pourrait devenir une seule personne supervisant dix IA.

Le conseil de la CIT-UDA

Ces métiers ne disparaîtront pas totalement, mais leur fonction changera de nature.
Les professionnels doivent viser des rôles à plus forte valeur ajoutée :

  • gestion de processus (supervision d’automates IA),

  • conformité (auditer les données, vérifier la qualité des décisions IA),

  • coordination humaine (interface entre plusieurs services IA).

En clair : il faut passer du faire au faire faire.

Pays africains les plus exposés

  • Maroc, Tunisie, Égypte, Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun : ces pays accueillent déjà de nombreux centres d’appels et back-offices délocalisés.
    Avec l’arrivée des chatbots multilingues capables de parler français, anglais, arabe ou wolof, une grande partie de ces services risque d’être internalisée par les entreprises via l’IA.
    Les emplois de bureau risquent d’y être les premières victimes du progrès silencieux.

5. Le numérique

Oui oui et pourtant ceux qui ont contribué à bâtir l’économie numérique sont à leur tour menacés par ses propres outils.
Les métiers techniques entrent dans une phase de remise en question accélérée.
L’arrivée de ChatGPT-6, de copilotes de code autonomes et d’assistants de données intelligents va redéfinir ce qu’on appelle un “métier technique”.

Les métiers concernés

  • Développeur web / mobile / intégrateur low-code

  • Analyste de données / data analyst / business analyst

  • Administrateur systèmes / technicien réseau / support IT

  • Technicien bureautique / formateur informatique

Les IA et outils qui bouleversent le secteur

  • ChatGPT-6, Claude 3.5, Devin, Copilot X : développement automatisé, débogage, documentation, tests et intégration continue.

  • AutoDev / Replit Agent : génération complète d’applications à partir de simples instructions textuelles.

  • OpenAI o1 / Code Interpreter : traitement, visualisation et analyse automatisée de données.

  • Runway, Midjourney, Figma AI : intégration IA pour concevoir et coder des interfaces sans écrire une ligne de code.

Autrefois, un développeur junior passait plusieurs jours à construire une application ; désormais, une IA conversationnelle peut le faire en quelques minutes.
La conséquence ? Les postes d’exécution vont se raréfier, tandis que la demande se déplacera vers les profils capables de piloter, auditer et sécuriser ces IA.

Le conseil de la CIT-UDA

Les professionnels du numérique ne doivent pas fuir l’IA, mais l’intégrer dans leur boîte à outils.
L’avenir appartient à ceux qui sauront :

  • combiner compétences techniques et compréhension métier,

  • maîtriser la cybersécurité et la gouvernance des données,

  • apprendre à dialoguer avec les IA (prompt engineering, IAOps, MLOps).

Autrement dit : il faut passer du rôle de technicien exécutant à celui de chef d’orchestre de l’automatisation.

Pays africains les plus exposés

  • Nigeria, Kenya, Afrique du Sud, Égypte, Maroc, Tunisie : ce sont les hubs technologiques du continent.
    Ces pays hébergent la majorité des développeurs, start-up et services numériques sous-traités.
    La montée de l’IA générative y provoquera une polarisation : les profils experts et adaptatifs seront survalorisés, mais les juniors et exécutants risquent d’être rapidement déclassés ou remplacés.

6. L’enseignement

Enseigner, former, conseiller n’est plus du tout à l’abri de l’automatisation.
Avec l’émergence d’IA comme ChatGPT-5, capables d’expliquer, d’évaluer et d’adapter leurs réponses au niveau cognitif de chaque élève, cette certitude s’effrite.
L’Afrique, où l’éducation reste un pilier du développement, devra affronter une question cruciale : quelle place donner à l’humain dans la formation de demain ?

Les métiers concernés

  • Enseignants du secondaire et du supérieur

  • Formateurs professionnels / tuteurs privés / répétiteurs

  • Coach de vie / formateur en communication / accompagnant scolaire

  • Animateurs / médiateurs / conférenciers

Les IA qui bousculent le secteur

  • ChatGPT-6, Claude, Pi et Gemini Learn : explications personnalisées, génération d’exercices, suivi de progression, correction automatique.

  • Khanmigo, Socratic, TutorAI : assistants pédagogiques IA déjà adoptés dans plusieurs systèmes éducatifs pilotes.

  • Veo 3, Sora 2, Runway Gen-3 : création automatique de capsules vidéo éducatives, cours illustrés et simulations immersives.

Grâce à ces outils, un seul formateur peut produire des centaines d’heures de contenu, disponibles en plusieurs langues et adaptés à chaque profil d’apprenant.
C’est une opportunité formidable pour l’accès à l’éducation, mais une menace directe pour les emplois pédagogiques répétitifs ou théoriques.

Le conseil de la CIT-UDA

L’avenir de l’enseignement africain passera par l’hybridation IA-humaine.
Les enseignants et formateurs doivent devenir :

  • facilitateurs d’apprentissage, capables d’utiliser l’IA pour renforcer l’attention et la compréhension ;

  • concepteurs de programmes, et non simples dispensateurs de savoir ;

  • médiateurs culturels, transmettant les valeurs, le sens et le contexte que les IA ne peuvent pas simuler.

Le métier d’enseignant ne disparaîtra pas : il changera de mission.
C’est l’autorité du savoir qui s’efface, au profit de l’accompagnement du sens.

Pays africains les plus exposés

  • Afrique du Sud, Kenya, Nigeria, Ghana, Maroc, Tunisie : pays ayant déjà intégré le numérique éducatif à grande échelle.

  • Rwanda et Égypte : pionniers de l’e-learning et de l’éducation en ligne.
    Ces États verront les premiers effets de l’automatisation pédagogique, avec une réduction du besoin d’enseignants pour les cours standards, mais une demande accrue de concepteurs de contenus éducatifs et de superviseurs IA.

7. Les finances et commerces

Le secteur financier et commercial africain est en pleine mutation numérique.
Entre le mobile money, la banque digitale et la montée des plateformes e-commerce, les métiers fondés sur la relation client et le traitement des transactions se digitalisent à grande vitesse.
L’arrivée de ChatGPT-6, de Sora 2 et d’IA financières prédictives accélérera cette transformation, en remplaçant les tâches de conseil, d’analyse et de gestion courante.

Les métiers concernés

  • Agents de banque / conseillers clientèle

  • Caissiers / opérateurs de mobile money

  • Commerciaux / vendeurs / représentants

  • Analystes financiers / auditeurs / contrôleurs de gestion

  • Courtiers / agents d’assurance / opérateurs boursiers

Les IA et solutions qui bouleversent ces fonctions

  • ChatGPT-5 + Copilot Finance + Gemini AI : automatisation de la rédaction de rapports, prévisions et réponses clients.

  • IA prédictives (BloombergGPT, FinGPT, TradiumAI) : analyse des marchés, détection de risques, conseils d’investissement personnalisés.

  • Assistants conversationnels multilingues : relation client automatisée dans les banques et les fintechs, capables de dialoguer en swahili, wolof, haoussa ou lingala.

  • Sora 2 et Veo 3 : création de publicités et vidéos commerciales dynamiques sans agence marketing.

Dans ce contexte, la frontière entre marketing, conseil et traitement automatisé s’efface.
Un client pourra discuter avec une IA bancaire plus compétente et disponible que son conseiller humain.
Les tâches transactionnelles ou répétitives seront absorbées par les algorithmes, tandis que les emplois intermédiaires risquent d’être compressés.

Le conseil de la CIT-UDA

Les professionnels de la finance et du commerce doivent :

  • développer leur expertise relationnelle et stratégique (analyse, négociation, accompagnement humain) ;

  • se spécialiser dans la gestion des données financières et la conformité (AML, KYC, risk management) ;

  • adopter les outils IA comme leviers d’efficacité, non comme adversaires.

Autrement dit : il faut passer du rôle d’exécutant commercial à celui de conseiller stratégique augmenté par l’IA.

Pays africains les plus exposés

  • Kenya, Nigeria, Ghana, Afrique du Sud, Maroc, Égypte : hubs financiers et fintech du continent, déjà utilisateurs d’IA conversationnelle et d’automatisation bancaire.

  • Sénégal et Côte d’Ivoire : forte expansion du mobile money et du e-commerce.

Ces pays verront d’ici 2035 une réduction significative des postes de front-office, remplacés par des plateformes intelligentes.
Mais ils deviendront aussi les plus grands employeurs de spécialistes IA-finance, capables d’auditer et de piloter ces nouveaux systèmes.

8. Les métiers physiques

On pense souvent que seuls les métiers intellectuels sont menacés par l’intelligence artificielle.
Pourtant, les avancées récentes dans les robots autonomes, la vision industrielle, les drones et les systèmes prédictifs redessinent aussi les métiers manuels, logistiques et industriels.
L’Afrique, encore en phase d’industrialisation, peut soit subir cette vague, soit l’utiliser pour sauter des étapes technologiques.

Les métiers concernés

  • Conducteurs / chauffeurs / livreurs / agents logistiques

  • Ouvriers d’usine / techniciens de maintenance / agents de production

  • Manutentionnaires / magasiniers / caristes

  • Agents de sécurité / opérateurs de surveillance / gardiens

  • Techniciens BTP / géomètres / opérateurs de chantier

Les technologies et IA qui transforment le secteur

  • IA embarquées (Tesla AI, Wayve, PilotNet) : véhicules semi-autonomes et optimisation de transport.

  • Systèmes de vision industrielle (Google Gemini Vision, Covision AI) : détection d’erreurs, contrôle qualité, maintenance prédictive.

  • Drones et robots autonomes (Zipline, Wing, Dronotics, Boston Dynamics) : surveillance, livraison, inspection de chantiers.

  • IA d’optimisation logistique (Copilot Supply, DeepRoute, ChatGPT-5 multimodal) : planification des flux et répartition intelligente des ressources.

Dans un entrepôt moderne ou une chaîne de production, les IA peuvent désormais gérer les flux, diagnostiquer les pannes, déplacer des charges, surveiller la sécurité, et même former les opérateurs via réalité augmentée.
Les tâches purement physiques sans valeur ajoutée intellectuelle deviendront rares.

Le conseil de la CIT-UDA

Les métiers physiques ne vont pas disparaître, mais changer de nature.
Les travailleurs devront développer des compétences de supervision, de maintenance et de pilotage des systèmes automatisés.
L’enjeu pour l’Afrique est double :

  • former massivement à ces nouveaux métiers techniques hybrides (mécanique + numérique) ;

  • anticiper les pertes d’emplois basiques en créant des filières de requalification.

Les métiers manuels resteront nombreux, mais l’humain ne fera plus le geste : il fera fonctionner la machine qui le fait.

Pays africains les plus exposés

  • Afrique du Sud, Maroc, Égypte, Tunisie : zones à forte activité industrielle et logistique déjà robotisée partiellement.

  • Kenya, Nigeria, Rwanda : pays pionniers dans l’usage de drones pour la santé et la logistique.

  • Côte d’Ivoire, Sénégal, Ghana : croissance du transport urbain et des infrastructures, premiers terrains d’expérimentation de l’automatisation.

L’impact y sera progressif mais durable : d’ici 2035, la moitié des tâches logistiques ou industrielles simples pourrait être assurée par des systèmes semi-autonomes.

L’intelligence artificielle ne signe pas la fin du travail, mais la fin d’une certaine manière de travailler.
En Afrique, elle peut devenir un accélérateur de développement, à condition d’être comprise, encadrée et utilisée au service de l’humain.
Ceux qui sauront collaborer avec elle, plutôt que de la craindre façonneront les nouveaux métiers du continent.